Pour pallier le manque de l’ISF, augmentons les droits de succession

Dimanche soir, le président de la république a dévoilé les thèmes qui nourriront le grand débat national. L’un de ses thèmes est la fiscalité, ainsi la question des impôts et des dépenses publiques est le grand thème évoqué par Emmanuel Macron. S’il rappelle que l’impôt est au cœur de notre solidarité nationale, il affirme sans citer l’ISF qu’il ne « reviendra pas » sur les mesures déjà prises.

Mais certaines solutions sont proposées, par des courants de pensée, tel que « Terra Nova » qui est une association française qui se définit comme un laboratoire d’idées. Proche du centre gauche, il se veut progressiste et indépendant. Il entend produire des réflexions et diffuser des propositions politiques en France et en Europe.

Le cercle de réflexion Terra Nova a proposé récemment une hausse des droits de succession pour remplacer l’ISF, et récupérer ainsi près de 3 milliards d’euros perdus avec sa suppression.

L’association envisage 2 pistes :

- Revoir la fiscalité sur les successions ;

- Réviser l’avantage fiscal lié à l’assurance-vie.

La fiscalité sur les successions

L’idée serait d’introduire un abattement décroissant et modulé en fonction de l’importance du patrimoine transmis.

La proposition d’abattement décroissant de Terra Nova :

Part reçue de…A…Abattement–200 000100 000200 000300 00095 000300 000400 00090 000400 000500 00085 000500 000600 00080 000600 000700 00075 000………1 400 000150 00035 0001 500 000…30 000

Une autre solution proposée est également d’agir sur les taux des dernières tranches du barème.

Ce type de solution concentre l’effort sur les successions portant sur des patrimoines importants (au-dessus de 900 000 euros pour les deux dernières tranches après abattement, soit plus de 1 000 000 d’euros en tenant compte de l’abattement). Mais son rendement risque d’être maigre, il serait alors plus judicieux pour obtenir un rendement conséquent sans concentrer l’effort sur les seules tranches supérieures et donc agir sur l’ensemble des taux et sur le redécoupage des tranches du barème.

Comparatif du barème actuel avec celui proposé par Terra Nova :

Tranche de …A …Taux08 0725%8 07312 10910%12 11015 93215%15 933552 32420%552 325902 83830%902 8391 805 67740%1 805 878…45%Tranche de …A…Taux020 0005%20 00050 00020%50 00080 00030%80 000175 00035%175 000350 00040%350 000900 00042.50%900 000…45%

Avec ce nouveau barème, Terra Nova affirme que l’on paierait « moins d’impôt qu’aujourd’hui jusqu’à 150 000 Euros par part », et d’avantage au-dessus. Combiné au système d’abattement décroissant, le surcroit de recettes fiscales engendré par ce nouveau barème serait de près de 3 milliards par an. Soit l‘équivalent des recettes perdues lors de la transformation de l’ISF en IFI en 2017.

Réviser l’avantage fiscal lié à l’assurance-vie

L’assurance-vie n’est pour l’essentiel, qu’une enveloppe fiscale qui contient les mêmes produits d’épargne que ceux que les personnes peuvent détenir en direct. Son attrait essentiel réside dans un privilège fiscal (le rendement des fonds euros ne peut plus être considéré comme un attrait). Curieusement, cette « niche » catégorielle n’es pas mentionnée comme une dépense fiscale de la loi de finances.

On peut supposer qu’un alignement de cette fiscalité dérogatoire sur le droit commun aurait, à terme, une portée budgétaire importante.

Toucher à l’assurance-vie, placement préféré des français, c’est un risque. De plus, l’Etat serait l’un des plus grands perdants. Les assureurs sont les plus grands souscripteurs des emprunts d’Etat qui composent pour l’essentiel, les « supports euros » dans l’assurance-vie.

Réformer dans ce sens peut amorcer un front d’opposition ainsi que des envies de délocalisation de patrimoine.

En opposition, une étude du Crédoc (centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie) de 2018 montre que 87% des français souhaitent une diminution des droits de succession et non l’inverse.

Commentaire AMC : Pourquoi envisager de telles réformes ?

Dans les conditions économiques, démographiques et fiscales actuelles, il existe un risque de se voir développer une société d’héritiers vieillissants dans les décennies qui viennent.

Cette évolution serait dommageable. Dans un premier temps parce qu’elle conduirait à la concentration du patrimoine dans les mains de quelques-uns et qu’elle assurerait la reproduction de cette concentration au fil des générations, nourrissant des inégalités à la fois croissante et pérenne. Ensuite parce que les populations les plus âgées ne sont pas les plus disposées à investir, à consommer et à faire circuler les richesses. Cette perspective n’est donc satisfaisante ni du point de vie de l’équité sociale, ni du point de vue de l’efficacité économique.

Marion Sanchez

Juriste pour AMC