Augmentation du pouvoir d’achat pour les contribuables les plus démunis

Lors de sa prise de parole du 10 décembre 2018, le président de la République, Emmanuel Macron, a fait de nombreuses annonces afin de calmer la crise sociale exprimée par le biais du mouvement des Gilets jaunes.

Si ces mesures visent à augmenter le pouvoir d’achat des particuliers, il convient de se poser la question de leur efficacité et de leur financement. Commençons par rappeler les mesures présentées lors de l’allocution présidentielle.

Une grande partie des mesures vise à augmenter la valeur du travail et donc du niveau de vie des salariés. Trois décisions ont été prises en ce sens.

Tout d’abord, les salariés au SMIC vont voir leurs revenus augmenter. Si la présentation initiale de cette décision pouvait laisser penser à une augmentation de 100 euros nets du SMIC, il s’agit finalement d’une hausse de la prime d’activité pour les salariés concernés (par exemple, pour un salarié célibataire sans enfant, le seuil limite est un salaire de 1 560€ nets par mois).

L’augmentation des revenus va également résulter de la défiscalisation des heures supplémentaires dès le 1er janvier prochain (initialement seules les charges sociales devaient être offertes et seulement à partir du 1er septembre 2019). Il s’agit d’un retour à la mesure phare de quinquennat de Nicolas Sarkozy connue sous l’expression « Travailler plus pour gagner plus ».

Enfin, les salariés qui touchent moins de trois fois le SMIC pourront toucher une prime de Noël défiscalisée dans la limite d’un montant de 1 000€.

Les retraités vont également bénéficier d’une aide de l’état, mais dans une moindre mesure par rapport aux salariés. Les retraités bénéficiant d’une pension de moins de 2 000€ pour une personne seule vont voir la hausse de CSG de 2018 purement et simplement annulée.

Comment financer ces annonces ?

Le coût de ces diverses annonces est loin d’être négligeable pour les finances publiques. En effet, ces quatre mesures coûteraient autour de 10 milliards d’euros par an.

Cette hausse des engagements de l’état serait financée à l’aide de quatre leviers :

  • Une hausse temporaire de fiscalité pour les très grandes entreprises (principalement le report d’un an de la baisse du taux de l’IS pour les entreprises réalisant plus de 250 M€ de chiffre d’affaires) ;
  • La mise en place d’une taxe sur les GAFA (Google, Apple, Amazon, Facebook) ;
  • Une baisse de la dépense publique ;
  • Une augmentation du déficit public à 3,2% contre 2,8% prévus initialement pour 2019.

Le financement pour 2019 ne devrait pas poser problème, c’est plutôt le financement à l’avenir de telles mesures (10 milliards d’euros à trouver chaque année)

En effet, les très grandes entreprises verront leur taux d’IS diminuer à 25% d’ici 2022 contre 33% actuellement. Cette source de financement ne sera donc plus utilisable.

De la même manière, le déficit public à 3,2% (estimation donnée par M. Edouard Philippe) ne pourra être accepté éternellement par l’Union Européenne. La fin du CICE devrait enlever 0,9% de déficit public à partir de 2020, mais dans l’incertitude économique actuelle, surtout sur la question de la croissance, il est difficile d’évaluer, l’état des finances publiques dans un futur proche.

Cela va donc principalement devoir être financé par une baisse de la dépense publique. Il est possible penser que la marge de manœuvre de l’état pourrait sensiblement diminuer dans les prochains mois quant à sa volonté de diminuer la pression fiscale qui pèse sur les entreprises et les particuliers.

Quelle efficacité pour ces annonces ?

La visibilité sur le niveau de vie des français devrait rapidement se voir puisque toutes les mesures seront effectives d’ici le 5 février prochain (date de mise en place de la hausse de la prime d’activité de 100 € et dernière mesure à entrer en vigueur).

Toutefois, le mécontentement des français devrait perdurer. En effet, les retraités bénéficiant de la baisse de la CSG ne vont récupérer que quelques dizaines d’euros tous les mois. Cumulé à la hausse générale du coût de la vie, cela ne devrait donc pas augmenter leur niveau de vie.

En ce qui concerne les salariés, seuls ceux qui ont un salaire proche du SMIC et qui réalisent des heures supplémentaires vont réellement voir un changement.

En effet, si la hausse de la prime d’activité pourrait toucher jusqu’à 5 millions de français, il ne s’agit que d’un rattrapage général de la hausse du coût de la vie afin de donner un peu plus de sérénité aux plus faibles revenus en fin de mois.

Pour autant, cette sérénité restera précaire. La hausse de la prime d’activité n’offre aucune sécurité dans le temps à l’instar d’une hausse de salaire. En cas de crise financière, et d’alourdissement des dépenses publiques, l’état n’aurait pas d’autres choix que de revenir, du moins en partie, sur cette hausse.

De plus, une telle hausse ne pourrait offrir la possibilité d’accéder à la propriété aux plus faibles revenus puisque les établissements de crédit ne prennent pas en compte la prime d’activité dans leur calcul de capacité de financement.

Il n’y a donc que les fins de mois qui seront moins douloureuses avec de telles mesures, à défaut d’avoir mieux.

Commentaire AMC :  Face à l’urgence de la crise sociale des Gilets jaunes, le gouvernement a dû trouver des solutions rapides pour essayer de contenter tout le monde. Si cela devrait offrir un peu de temps au gouvernement pour continuer la réforme du pays, ce dernier devra se montrer proactif dans la baisse de la pression fiscale s’il ne veut pas avoir un retour de boomerang de la part des Gilets jaunes, et plus généralement des français. Ceci est d’autant plus vrai qu’avec l’arrivée du prélèvement à la source, certains particuliers pourraient être échaudés par l’incompréhension du salaire net d’impôt versé chaque mois par son employeur (soit un montant plus bas que celui mentionné actuellement sur les fiches de salaire).

Alexis Aguilo

Juriste